« Non au racisme, dignité nationale ! » Les mots entendus la veille lors de la marche d’ouverture du Forum social mondial à Tunis retentissent ce mercredi 27 mars au matin sur le campus universitaire d’el Manar.
Pour approfondir le sujet, il suffit de suivre l’Association Adam pour l’égalité et le développement. Rejointe par quelques citoyens tunisiens, par la délégation négro-brésilienne Unegro ainsi que par des membres d’associations négro-américaines pour l’égalité, la marche a mené ses participants à un atelier sur les Tunisiens noirs (histoire, présent et avenir).
Représentant environ 15% de la population tunisienne, la minorité noire est « discriminé et invisible des sphères politique, médiatique et culturelle« , selon Tawfik Chairi, président de l’Adam. Au lendemain de la révolution, la jeune association se constitue pour réclamer sa présence et sa reconnaissance dans une Tunisie plurielle. Leur mode d’action : attirer l’attention de la société civile et celle de l’Assemblée constituante. Si les associations ont été réceptives, l’Assemblée constituante fait, elle, la sourde oreille face à la pétition en faveur de l’inscription de la pénalisation de la discrimination raciale dans la Constitution.
Une partie de la population, dont l’esprit a été colonisé par le message dominant, a suivi le mauvais exemple, et il n’est pas rare en Tunisie d’entendre « Kahlouch, Kahlouch » (« le Noir », « le Noir »), au passage de Tunisiens noirs. Certains ont beau prétexter qu’il s’agit d’une appellation affectueuse qu’ils emploient aussi avec leurs enfants, le stigmate remplace l’affection quand il s’agit de nommer une personne par sa couleur.
Un point historique lors de la conférence sur la présence de la minorité noire en Tunisie a retiré toute éventuelle ambiguïté. Si de Bizerte à Tataouine, en passant par Maharès, les Tunisiens noirs sont souvent désignés par le mot « oucif » (esclave en arabe), il faut savoir que
Tous les Noirs ne sont pas descendants d’esclaves.
Tous les esclaves n’étaient pas noirs.
Né de la rencontre entre les commerçants arabes allant vers le Sud et les commerçants d’Afrique sub-saharienne, l’esclavage est le produit des guerres tribales africaines. Les prisonniers de guerre étaient alors devenus une marchandise aux mains des commerçants.
En Tunisie, la plupart des esclaves était alors envoyé au travail dans les oasis du Sud . D’autres, plus rare, étaient dans le Nord et sur la côté, cantonnés au travail domestique. Alors que la minorité noire était alors organisée comme communauté, avec l’abolition de l’esclavage en 1846, leur reconnaissance juridique des noirs et de leur statut minoritaire par l’Etat est, elle, aussi abolie.
La colonisation française pérennisera ce vide juridique et au lendemain de l’indépendance, la Tunisie suivra le modèle français dans la non-reconnaissance de ses minorités. Elle ne reconnait que l’individu face à l’Etat. Après la révolution, la ligne de conduite reste la même et la simple reconnaissance des actes racistes dans la législation semble être un parcours du combattant. Si la question raciale est un problème politique, le droit tunisien constitue un blocage.
Aujourd’hui, Limoune – ليمون se ravie de constater qu’une élite, issue de cette minorité, lève sa voix pour réclamer une représentativité dans le Parlement, la diplomatie et dans la haute administration, d’où elle a toujours été exclue.
Mais la société civile doit elle aussi être mise face à ses ambiguïtés, être sensibilisée et ce dès le plus jeune âge à cette question. Le débat ne devrait pas être cantonné à la capitale autour de question de représentativité politique mais devra atteindre les régions, celles du Sud y compris, d’où pourraient émerger les revendications les plus proches de la base populaire.
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